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Petite, mais longue, histoire du tuf

Le  tuf est le matériau utilisé au Prieuré saint Michel de Connexe pour les pierres d’appareillage. Les autres pierres dites de remplissage sont du tout venant provenant des environs proches du prieuré. Pourquoi du tuf ? Parce qu’au delà de la Roche Courbière une veine de tuf a été trouvée par les bâtisseurs de l’époque d’où ils ont extrait les moellons nécessaires. Le tuf est un matériau léger, relativement solide et facile à travailler durcissant au fil du temps à l’air libre. Son aspect est inhomogène et ne permet pas le poli des faces. Son aspect rustique correspondait peut être aussi à la volonté de l’ordre des bénédictins de ne pas afficher une richesse insolente.

   

Mais comment s’est constitué le tuf  ? La réponse ci dessous est géologique et on peut pour s’aider dans la compréhension des évocations suivantes, consulter sur Internet l’adresse suivante :

Echelle des temps géologiques

Pendant l’ère Primaire –500 à –250 millions d’années, les continents émergent par la formation des plaques tectoniques. Les océans se forment et la sédimentation se produit. Les fossiles trouvés dans ces couches montrent la présence des premiers invertébrés. La végétation est luxuriante et les plantes qui sont enfouies par suite de séismes de fortes intensités, forment les couches de charbon qui seront exploitées à notre époque, à la Mure par exemple.

Pendant l’ère secondaire –250 à –70 millions d’années, l’Afrique et l’Europe se séparent et les plis formés par la gigantesque poussée forment les chaînes de montagnes de l’Europe. C’est la période des dinosaures ! Des nappes d’eau sont retenues et au fond se déposent du gypse. Notre région se retrouve sous les eaux avec de nouveaux dépôts sédimentaires. Les zones de gypses seront remontées vers la surface par la poussée des Alpes qui commencent à monter et l’érosion qui tente d'aplanir le relief. Ces zones presque affleurantes dans notre ère seront exploitées à Champ pour fabriquer le plâtre.

Pendant l’ère tertiaire –70 à –1 million d’années, les Alpes finissent de se former. Les périodes glaciaires alternant avec des périodes plus chaudes étendent leur emprise sur nos montagnes où les glaciers énormes érodent le paysage et laissent de l’eau s’infiltrer dans le sol. C’est pendant cette période que l’homme se distingue des premiers primates mammifères et commence son évolution.

Nous sommes, dirons nous pour simplifier, dans l’ère quaternaire et nous utilisons les résultats de ces nombreux chamboulements étalés sur des millions d’années. L’homme a évolué et sa technologie lui permet de plus en plus l’exploitation des mines de charbon ou autres minéraux, des puits de pétrole et des carrières de différents matériaux.

Malheureusement aussi il pollue la planète, de plus en plus, et à une vitesse qui n’a plus rien à voir avec les évolutions géologiques. Mais revenons à notre sujet.

Nous savons que la région est riche en gypse puisque des carrières ont été exploitées pour la fabrication du plâtre. L’eau souterraine a traversé des zones riches en calcite et elle ressort très chargée de ce calcaire qu’elle a dissout. La réaction chimique qui se déroule a besoin de la charge de calcite contenu dans l’eau, de l’air libre, de plantes pour libérer son dioxyde de carbone et de quelques brassages en sortie de source sur la végétation présente. Une petite mousse présente extrait grâce à la photosynthèse, le gaz carbonique et le dépôt du calcaire se fait sur la végétation. C’est la précipitation, c'est à dire le passage du carbonate de calcium de l'état liquide à l'état solide dans l'eau sous forme de minis cristaux. Le tuf se forme petit à petit par les dépôts constants à l’air libre et grâce à cette mousse.. Celle ci se couvre de cette substance blanche, ou de différentes couleurs selon les minéraux contenus dans l’eau. La mousse continue à pousser sur le nouveau substrat, renouvelant ainsi le cycle.

         

               Une feuille a laissé sa trace lisse                         Un fouillis de formes                         Une branche a laissé un trou   

La végétation qui tombe dans le filet d’eau est enfermée dans les concrétions et disparaît petit à petit digérée par les bactéries, laissant des alvéoles à leur forme à tout jamais. Parfois des branches tombent dans la source et laissent un trou que l’on dirait percé à la main.

  

 L’épaisseur du tuf augmente petit à petit et quelques milliers d’années plus tard, une carrière de tuf est exploitable pour tailler des pierres pour le prieuré. Le tuf utilisé pour le prieuré ne présente que peu de pierres de grain assez fin. Cela semble indiquer que la source était entourée d'une végétation importante, en effet les traces observées dans les pierres utilisées montrent beaucoup de trous de formes et de taille diverses.

  

  Une carrière située un peu plus loin que la Roche Courbière a gardé les traces d’exploitation. Une embase ronde n’a pas été totalement extraite : gros défaut observé, casse programmée ou fin de chantier prématurée ?

Depuis le temps des effondrements ont eu lieu. Le dégagement de la carrière permettrait de vérifier si elle a servi à une ou plusieurs constructions de la région par son volume par exemple. Par l’observation et l’analyse de son matériau on pourrait vérifier qu’elle a bien servi pour le prieuré.

 Ce phénomène de dépôt se poursuit de nos jours. Ce sont les fameuses fontaines pétrifiantes qui recouvrent ou imprègnent des troncs d’arbres ou divers objets déposés sous les filets d’eau. Le dépôt est très lent à peine visible à l’échelle d’une vie humaine, plusieurs millimètres à centimètres par an selon les conditions de saturation des eaux coulantes.
Nous connaissons par exemple à La Sône au delà de St Nazaire en Royans le jardin des fontaines pétrifiantes.

L'eau a coulé pendant des millions d'années, pour former le tuf. Les carriers du moyen age ont façonné les moellons pour bâtir le prieuré. En quelques années seulement l'homme à réduit ce travail de milliers d'années en une construction dont le but a pu être le rayonnement de l'ordre des moines bénédictins, mais aussi nous le pensons, l'accueil des cheminots se rendant en Lombardie.

Jean Escaron

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